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Expo#32 « Regards échangés » : dialogues photographiques de Jean Frédéric Hanssens

Dialogues photographiques de Jean Frédéric Hanssens
(Photojournaliste-webvidéaste-visites virtuelles)

Le troisième œil de Jean-Frédéric Hanssens, c’est l’objectif de son appareil photo. Avec lui, il circule en maraude dans les rues des villes et des villages un peu partout dans le monde. Il capte des étincelles de vie, des regards terriblement humains. Regards d’enfants, de femmes, d’adultes en pleurs ou souriants, rieurs ou mélancoliques, confiants ou méfiants. La vie quoi. Des éclats de vie glanés depuis les années 70 et son travail de journaliste militant pour plus d’égalité, de justice, de fraternité aussi au journal « Pour » d’abord, puis comme photographe de presse indépendant. En 1984, il fonde l’agence Isopress, fournissant en photos d’actualité la plupart des journaux et magazines de l’époque.
Il a connu le merveilleux temps de l’argentique, de la photo en noir et blanc. Puis est venue la photo en couleurs et enfin, libération technique, la photo numérique qui permet au photographe de développer son côté artiste en retouchant, remaniant, recréant sa réalité. Tout en gardant l’authenticité de la photo car la discipline du photographe de presse est celle-là : la photo est une information en elle-même, à traiter en tant que telle. Avec objectivité, sans déformation, sans manipulation mensongère. C’est bien la réalité qui doit attirer le lecteur, l’interroger, le bousculer parfois. Un art journalistique que Jean-Frédéric Hanssens a pratiqué depuis 1997 jusqu’en 2009 au « Soir », comme responsable du service photo du quotidien.
Un art que nous retrouvons chaque semaine sur le site d’information alternative « entreleslignes.be » dont il est un des fondateurs.
Grand voyageur, Jean-Frédéric Hanssens dialogue avec la réalité, belle ou terrifiante, de la vie des humains, de la nature. Il expérimente sans cesse des perfectionnements techniques, des panoramiques, des vidéos. A découvrir sur le site dans les rubriques « Pixels mouvants » et « Question d’optique ».

Plongez-vous donc dans ces « miroirs de l’âme » grâce aux « regards échangés » de Jean-Frédéric Hanssens.

Zooms curieux par Gabrielle Lefèvre, le 28 février 2018

https://www.entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/regards-%C3%A9chang%C3%A9s-dialogues-photographiques

« Regards échangés »
Alors que tout le monde trimballe un appareil photo, prêt à capter un éclat de vie, comment se fait-il que certaines images ne ressemblent toujours pas aux autres, donnent envie de s’arrêter un moment pour s’en imprégner? La machine intervient quand l’œil capte un reflet fugitif de la vie. Au passage, chaque image se charge du regard de la personne qui la prend. Chaque image est un reflet de son auteur.
Maintenant, penchons-nous sur les photos que nous donne à voir Jean-Frédéric Hanssens avec ces “regards échangés”. Ce ne sont pas les images du photojournaliste qui tout au long de sa vie a suivi l’actualité tant en Belgique qu’à l’étranger, en respectant forcément des contraintes, des « cadres ». Ces images-ci sont les balises du voyageur de la vie qu’est Hanssens. Elles racontent, en filigrane, sa passion pour la dérive, les gens, les lieux, les luttes, les rêves, les espoirs, les défis, le blues comme les rires fous. Ces photos sont des images prises en toute liberté, sans contraintes sinon celles de la lumière et de la vitesse. Oui, ces images sont celles du « Freewheelin » Jean, par référence au titre de l’album de Bob Dylan sorti en 1963.

Que nous disent-elles, ces photos?

L’humanité multiple autour de la planète, l’humanité ressentant les mêmes sentiments, malgré les différences de cultures, les hiérarchies, les états de fortune, la justice et l’injustice, la chance ou la poisse. Ces photos nous conduisent à entrer dans le regard de l’autre et à nous demander qui nous serions, dans la peau de l’autre. D’où la liberté et la bienveillance qui trament ces signes. Il photographie les mômes car ils sont l’avenir du monde. Il nous montre des gosses au travail, des gosses qui courent, des gosses dans les bras de leur maman. Il nous emmène à la rencontre de conducteurs de rickshaws, de cyclistes, d’agriculteurs, de soldats, de militants, de laveurs d’autos, de serveuses dans des snacks, d’un jeune homme qui veille sur un chat, d’un vieil homme assis sur un banc, d’un fagot de gens à bord d’une remorque, d’un travesti revisitant la commedia dell’arte sans l’avoir connue et d’une dame drapée de rouge ocre qui s’en va dans le désert et que jamais nous ne connaîtrons.

Trace de larme dans la poussière

Caractéristique majeure de ces images, leur générosité. Hanssens ne traque pas le misérabilisme. La peine, il la dessine grâce à la trace d’une larme laissée dans la poussière sur les joues d’une petite fille. Il esquisse, laisse la liberté au spectateur de la photo de se projeter dans l’image, d’entrer dans l’échange. Il montre les gens dans l’action ou la méditation, en marche, pas statiques. Des gens dans la vie, cherchant leur lumière, comme ils le peuvent, dans les ténèbres d’une économie devenue dingue, qui asservit les plus pauvres et renforce les plus riches, plus que jamais. Mais tous les regards que nous découvrons brillent d’une forme de défi, d’un panache.
Les photos qu’il nous propose jalonnent un cheminement, celui d’un type conscients de se sentir libre, qui « navigue dans sa tête ». Ces « regards échangés » sont une marque de respect, une reconnaissance de l’autre. Et, par un effet miroir, une manière de cerner l’homme qui est derrière l’objectif, celui qui se sert de son appareil comme d’un moyen de contact plutôt que comme une machine qui prend. Tout est là, dans cette différence. Parfois, prendre une photo est un don de soi.

Photographe vagabond

Photo-reporter, photojournaliste et webvidéaste, militant de la vie, militant témoin, Jean-Frédéric Hanssens est toujours sur le qui-vive pour mieux être en phase avec son temps. Vous l’écoutez parler quand, soudain, son attention se détourne, captée par une scène que vous ne devinez même pas. Comme s’il respirait, il pointe son objectif sur le sujet et capte l’image puis reprend le cours de la conversation, avec cet humour détaché qui n’appartient qu’à lui. Plus tard, si vous croisez la photo, vous avez l’impression de revivre autrement un moment révolu, percevez des émotions ou des informations qui vous ont échappé. Sans doute aurez-vous retenu autre chose, mais de manière floue. Lui, il aura archivé une trace précise. Une trace personnelle, un signe jalonnant le chemin, et ce signe, c’est aussi son reflet. Dans le regard des autres, des gens croisés en route, il cherche sa vérité en partageant sa condition d’humain. Il s’intéresse à tout ce qui fait le quotidien. Rien ne le rebute, toujours il cherche à comprendre, mû par une empathie masquée par ce sourire léger qui a l’air de s’excuser du dérangement. Paradoxalement, ce grand voyageur qui a le sens du décor se tourne plus vers les regards que vers les grands espaces. Alors, il part des humains pour élargir son horizon à l’environnement et réaliser une mise en perspective. Ce photojournaliste est capable de saisir la beauté d’une forêt sous la neige pareille à une cathédrale blanche, la fougue d’un groupe de musiciens dans une ruelle des Marolles à Bruxelles, la solennité d’un personne qui a du pouvoir et en joue, la grâce de gens qui n’ont pour bagage que leur volonté de vivre, l’émotion d’une personne qui souffre, la fougue d’un individu en lutte, le désarroi d’une victime ou le panache d’un vainqueur comme le rire déjanté des forcenés de l’existence, au plus fort de la fiesta. Hanssens a plus d’un tour dans son sac de reporter. S’il est capable de foncer sur l’actualité du jour ¬mû par l’instinct qui lui a permis de co-fonder l’agence photographique de presse, Isopress, aujourd’hui Isopix, avant d’être Picture editor au journal Le Soir et free lance vagabond -il apprécie tout autant de fignoler un portrait en studio, réglant les lumières avec un soin auquel on ne s’attendrait pas chez un bourlingueur qui ne pense qu’au prochain départ. Son humanité apparaît en filigrane de ses images. Chez lui, pas de recherche d’effets spectaculaires, pas d’effets ni de morgue. Il ponce les lignes de l’image, en mécano de la lumière, pour libérer l’âme de sa gangue. Quand les regards des gens rencontrés grâce à ses photos vous fixent, vous ressentez quelque chose comme un échange. La surprise, d’abord. Puis la rencontre ou la possibilité ou l’envie d’une rencontre. C’est dans son travail avec des personnes handicapées mentales qu’il est allé le plus loin dans sa quête. En situant les personnes dans des lieux typés, il lève le voile sur leurs angoisses et leurs espoirs et aussi ces passions qui les portent malgré tout. Il montre un être isolé dans la grande ville et la tache de couleur de l’homme anime l’asphalte et le béton, donne envie d’aller voir dehors, dans la vie, comment elle se déroule, de lever le capot du monde pour voir comment il tourne. Peut-être est-ce la particularité des images qu’il saisit. Cet appel à la découverte, ce goût de la rencontre et de la recherche des autres, pour tenter de vérifier où l’on se situe soi-même, histoire de se rassurer. Avec ses images, on se sent moins seul. Elles vous tendent la main, elles ont une chaleur communicative qui, jamais, ne vous encombre. Ce photographe ouvert à la différence montre que le respect des différences est la liberté. C’est pour ces raisons qu’il photographie Bruxelles et ses habitants avec justesse et tact. Il les comprend. Il est comme eux, parmi eux. Ici et ailleurs, là où son
désire de rencontres l’emmène ses éclats de rires sont la seule manière de retomber sur ses pattes, dans ce drôle de monde qui le fascinera toujours par son côté absurde, cruel ou généreux.

Marcel Leroy
Grand reporter

Vernissage le vendredi 8 septembre 2023 19h30
au Centre culturel Haute Sambre, rue des Nobles 32, 6530 Thuin
Expo jusqu’au 29 septembre en semaine de 9h à 16h.
Entrée libre.